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Victoria University of Wellington Law Review |
Antoine Leca[*]
S'inscrivant dans une perspective historique, cet article retrace les principales étapes des droits aujourd'hui reconnus aux patients en France. Après avoir présenté les éléments fondateurs de ce nouveau domaine du droit, l'auteur s'intéresse aux divers phénomènes juridiques et sociaux qui ont, à des degrés divers, contribué à l'émergence et au développement ce qui apparaît au XXI° comme un véritable «droit-créance». Mettant en exergue les influences modernes du concept de dignité humaine et du consumérisme, l'auteur analyse les principaux développements des notions de protection de la santé publique, de l'accès aux soins qui ont dominé jusqu-au XX°. Fort de ce constat, il précise les modalités qui ont présidé à leur intégration dans le droit des patients en France et enfin il souligne leur difficile conciliation avec la notion d'ordre public.
This article examines the doctrine of Droit des Patients (patients’ rights) in metropolitan France, outlines the historical development of the doctrine, and places it in its modern context. After discussing the emergence of patients' rights, Professor Leca canvasses the various threads of reasoning that have contributed to these rights as they are expressed in the 21st century. He covers the development of public health and access to health-care ideas that dominated the area until the 20th century, and the modern influences of ideas on the dignity of the person and consumer rights that have contributed to the current legal status of the rights of the patient.
Les droits des patients pourraient être définis comme étant les prérogatives, régies par des règles juridiques, des personnes soignées dans leurs relations avec les professionnels et les établissements de santé, mais aussi avec l'État. La présence de ce dernier acteur est parfois omise, ce qui est regrettable, car un certain nombre de textes constitutionnels[1] et légaux[2] reconnaissent un droit fondamental à la protection de la santé, au bénéfice de ceux que dans le vocabulaire du droit public on appelle souvent les "usagers du système de santé". Et la reconnaissance par la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux "droits des malades" d'un droit à indemnisation fondé sur la solidarité nationale devrait encore contribuer au développement de ce droit-créance à l'égard des pouvoirs publics.
Bien des distinctions théoriques formelles ont été sollicitées pour présenter les droits des patients de manière ahistorique, par exemple celle qui conduirait à séparer les droits qui se fondent sur la liberté contractuelle et ceux qui découlent de la démocratie sanitaire. Elle ne nous convainc pas entièrement[3]. On pourrait aussi recourir à celle qui consiste à scinder d'une part les droits des personnes soignées, que celles-ci détiennent en tant que citoyens, telle la reconnaissance de leurs convictions religieuses et philosophiques, que le particularisme de la relation de santé ne saurait altérer, et d'autre part les droits spécialement consécutifs à la relation médicale. Mais elle ne nous mènera pas loin, car on s'en tiendra ici exclusivement aux droits résultant de la relation médicale. Car l'examen des autres ne présente pas de grande spécificité sanitaire[4] et il existe une ample bibliographie en ce qui concerne l'histoire des droits fondamentaux et des libertés publiques.
Même délimitée aussi strictement, l'investigation n'est pas aisée, car le champ d'étude reste immense.
L'hypothèse qui sera suivie ici est qu'une présentation historique est de nature à mieux restituer la dynamique en œuvre dans ce domaine.
Ceci étant, il n'est pas facile de dater historiquement l'émergence de tels droits, car ce phénomène renvoie à un processus difficile à cerner.
C'est d'abord un processus complexe. En effet, même si la réponse est apparemment simple pour le juriste, vraisemblablement trop simple, la question de savoir quand émerge un droit est périlleuse dans cette matière, qui se trouve au "au confluent de deux humanismes"[5], avec des droits issus de l'éthique et de la déontologie, consacrés ensuite dans le droit de l'État, tel le secret médical, et des règles étatiques introduites après-coup dans l'éthique et la déontologie, comme le consentement aux soins. L'historien doit en effet se prémunir contre les fausses certitudes que procure le simple recensement des textes. Un droit n'apparaît pas forcément lorsqu'il point dans un texte juridique édicté par une autorité publique. Qui d'ailleurs oserait soutenir que la déontologie médicale est née avec le nazisme, au motif que l'Allemagne hitlérienne est le premier pays d'Europe à avoir promulgué en 1937 un code dans cette matière[6] et promulgué des règles susceptibles d'être appréhendées comme des droits pour les malades?[7]
La formation des droits qui nous occupe est ensuite un processus continu avec de surcroît d'impressionnantes différences chronologiques, tant il est vrai que le secret figurait déjà dans le serment d'Hippocrate,[8] mais qu'il a fallu attendre la fin du XX° siècle pour voir reconnaître le droit du patient à l'information sur son état de santé.[9]
C'est dire que la question soulève immédiatement une difficulté de méthode.
Soit on remonte aux origines mêmes du processus, soit on commence l'examen à partir du moment où celui-ci a été définitivement conceptualisé.
Dans le premier cas, il faudrait remonter à la genèse même du droit médical, car, depuis que la médecine a été prise en compte par le droit, celui-ci a reconnu aux personnes soignées la faculté d'obtenir réparation pour certains dommages causés par les hommes de l'art. Il suffit pour cela de se reporter au code d'Hammourabi,[10] voire au Livre sacré des Égyptiens[11] et bien sûr au droit romain, qui offrait un certain nombre de voies de recours à la victime d'un préjudice médical, notamment le bénéfice de la lex Aquilia , détournée de ses objectifs initiaux.[12] Si l'on se limite à la France et si l'on se place sur le plan du vocabulaire formel, l'étymologie elle-même nous fait plonger dans l'abîme des siècles, puisque le terme de patient, substantivé pour désigner le malade par rapport au médecin est attesté dans le vocabulaire courant depuis le XIV° siècle,[13] sans que l'on puisse pour autant en tirer un fil conducteur très sûr. Car les textes de droit utilisent rarement ce terme, auquel les juristes préféreront longtemps celui d'aegrotus, puis celui de malade. C'est celui que l'on trouve dans les premiers jugements rendus en France sur la base du code civil. Sans revenir sur l'état de la question en ancien droit,[14] le droit à la réparation des fautes médicales existe depuis une décision de 1830[15] et, quelques années plus tard, le contexte historique aidant,[16] ce mode de règlement des litiges entre les médecins et les personnes par eux soignées a été consacré par la Cour de cassation dans l'arrêt Thouret-Noroy, en 1835.[17] Toutefois, ce n'est pas sans abus que l'on pourrait parler de droits des malades à cette époque. Car les victimes des médecins concernés ne mettaient pas en oeuvre des droits spécifiques fondés sur un mécanisme de responsabilité, distinct du droit commun de la responsabilité civile délictuelle.[18] Et a fortiori serait-il contestable d'évoquer les droits des "patients", car ce dernier mot ne se rencontre pas couramment dans les sources juridiques de cette période.[19] Car, même s'il était d'utilisation ancienne, dans la langue courante, le terme n'était pas spécifique à l'univers médical. D'ailleurs, dans le Larousse de 1932, le patient (substantivé) est d'abord la personne qui a de la patience et, par extension, celle qui supporte une opération chirurgicale...mais aussi une correction corporelle, voire une exécution capitale![20] Le mot n'a été pas médicalement connoté de manière incontestable que dans la seconde moitié du XX° siècle. Et il ne s'est imposé dans le vocabulaire juridique qu'après celui de consommateur,[21] au seuil des années 1990.[22] Sans heureusement poser les mêmes problèmes de définition, car si la notion de consommateur se dérobe à tout critère unique,[23] celle de patient renvoie sans grande difficulté à toute personne en relation de soin avec un professionnel ou une institution de santé.
Dans le second cas, si l'on s'en tient au terme du processus, une brève rétrospective suffirait dès lors qu'il est aisé d'observer que la conceptualisation des "droits du patients" n'est pas antérieure au dernier tiers du XX° siècle. D'ailleurs la consécration légale et réglementaire de cette notion date de la dernière décennie du XX° siècle. Précédée par celle de "droits des consommateurs", l'expression "droits des patients" apparaît peut-être pour la première fois dans la circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de santé mentale, elle est implicitement présente dans le décret du 8 août 1991 portant code de déontologie des sages-femmes (qui comporte un titre deux, intitulé: Devoirs envers les patientes et les nouveau-nés) et apparaît formellement dans l'article 8 du décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières (qui comporte un chapitre deux, intitulé: Devoirs envers les patients). Mais à l'orée du XXI° siècle, il manquait à ce faisceau de règles d'être organisé en un corps de dispositions juridiques articulées. C'est chose faite avec la loi Kouchner du 4 mars 2002, qui, par une imprévisible ironie de l'histoire, a cru devoir abandonner le terme de patient, jugé passif, pour reprendre celui de malade, que l'on croyait tombé en désuétude.
Il n'est pas de choix possible entre cet arrière-plan trop vaste pour permettre de cerner l'essentiel et cette rétroprojection trop courte pour offrir quelque perspective. La meilleure démarche paraît se situer à mi-chemin. Elle consiste à remonter à la période à partir de laquelle les autorités investies des fonctions normatrices ont commencé à émettre des prescriptions reconnaissant aux personnes soignées des "droits-créances", des "droits-exigences" dans l'ordre médical, sans chercher à distinguer les droits des patients, des malades ou des usagers, qui concernent de toute façon les personnes parties à une relation de soin. Cela n'était possible qu'à partir du moment où la santé est devenue une affaire d'État dans le but de compléter les fameux "droits de l'homme": à l'orée du XX° siècle, qui correspond à la création, sous la République dite "radicale", avec la présidence du conseil de Clemenceau (médecin de formation), du premier secrétariat d'État spécialisé (1906) et des premières lois de santé publique.
C'est à cette époque que les pouvoirs publics se sont effectivement souciés de protéger la santé des individus, notamment à l'égard des fléaux sociaux, tels que les épidémies. Ce sont les droits des patients d'avant la lettre, qui sont déterminés par l'Etat pour les individus, gravitent dans l'orbite du droit public et anticipent sur le "droit à la santé" constitutionnellement consacré en 1946. Ils concernent essentiellement la prévention sanitaire et l'accès aux soins.
Entre temps, au terme d'une maturation lente, qui est particulièrement nette dans l'ordre civil, de nouveaux droits ont été mis en avant, fondés sur la dignité humaine, qui ont été marqués par l'environnement individualiste qui les a vu grandir, notamment le droit de consentir aux soins, consacré par l'arrêt Teyssier de 1942, celui d'être informé qui en procède, le droit à la qualité des soins et à l'indemnisation du risque médical, le droit au respect par le médecin de la confidentialité de ce qui concerne la vie privée du patient et le droit à une "fin de vie" digne, pour reprendre l'expression consacrée pour la première fois dans la circulaire du 26 août 1986 relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement du malade en phase terminale.
Enfin, dans un dernier temps, contemporain de la conceptualisation théorique des droits des patients, consacrée par la loi Kouchner du 4 mars 2002 "relative aux droits des malades", ceux-ci ont connu des inflexions significatives dans le sillage de la bioéthique et du consumérisme, principalement une hypertrophie tant du droit au consentement que du droit à l'information et l'émergence d'obligations de résultat, étrangères au caractère aléatoire et conjectural de l'art médical.
Ceci va nous conduire à évoquer un siècle de droit médical et à envisager trois points:
- le développement naissant des droits des patients, fondé sur la protection de la santé publique, dans le domaine de la prévention et de l'accès aux soins,
- l'essor maîtrisé des droits des patients, lié à la dignité de la personne humaine (droit à la dignité, droit au respect du consentement, droit au secret, droit à l'indemnisation fondé sur la solidarité nationale),
- l'extension, voire l'hypertrophie, des droits des patients, sous-tendu par le consumérisme (droit à la qualité de la thérapie, à l'information, droit de rétractation, droit au refus des soins).
Un tel découpage ne nous parait pas soulever de difficulté, à condition de ne pas oublier qu'en pratique ces influences ne renvoient pas à trois périodes successives et distinctes, mais à trois trajectoires historiques, qui relient à notre modernité trois points de départ différents dans le temps, correspondant respectivement à la fin du XIX°siècle, aux années 40 et aux années 90 (de manière approximative).
Dès le XVIII° siècle, certains courants d'idées avaient mis en avant l'idée que la santé publique[24] devait prendre rang au premier plan des devoirs sociaux, voire la nécessité pour l'Etat de veiller à la santé de la population, dans des perspectives philanthropiques, mais parfois aussi strictement utilitaires.[25] Au Royaume-Uni, le sanitary movement, qui a conduit à orienter la charité privée vers l'assistance sanitaire, permettant notamment la création du Guy's Hospital (1724), du Saint Georges's Hospital (1733) et du London Hospital (1740) illustre la première tendance, aux antipodes des conceptions étatistes,[26] que présuppose la seconde qui trouva en Prusse sa patrie d'élection, avec le courant de la Medicinische Polizey,[27] favorable à l'intervention directe de l'État en matière sanitaire. La France n'a pas occupée en la matière de pôle position bien que l'Ancien Régime ait mis sur pied quelques instruments non négligeables[28] et que la Révolution ait nourri de généreuses conceptions.[29] Il en résulta l'émergence de la "police médicale" à laquelle Paul Augustin Olivier Mahon[30] a consacré un ouvrage composé à l'extrême fin du siècle.[31] La matière recouvre "tout ce qui peut contribuer à assurer la santé publique".[32] Elle suppose, non seulement l'interventionnisme sanitaire des pouvoirs publics, qui s'est opéré de tous temps en cas d'épidémie, mais la régulation permanente par l'autorité publique de ce qui relève de l'hygiène et de la santé publique.[33]
Mais ces théories n'infléchirent le droit qu'à partir des années 1898 et suivantes avec la mise en place d'un système de prévention sanitaire fondé sur des conceptions modernes.
Les premiers textes s'attachèrent aux épizooties et aux épidémies. Si l'on met de côté la loi du 3 mars 1822 sur les quarantaines et la déclaration obligatoire des "maladies pestilentielles" – qui ignorait la notion contemporaine de désinfection[34] ce furent la loi du 21 juin 1898 sur la police sanitaire rurale et surtout celle du 15 février 1902 "relative à la protection de la santé publique",[35] "le seul grand texte que nous ayons eu sur la prévention" au XX°siècle,[36] qui a notamment soumis une douzaine de maladies graves à une déclaration et une "désinfection" obligatoires.[37] Cette première direction appelle trois remarques.
En premier lieu, elle a ouvert la voie a une politique qui a été ensuite complétée au cas par cas dans le demi-siècle qui a suivi, avec de nouvelles vaccinations obligatoires: antidiphtérique d'abord (L 25 juin 1938), puis antitétanique et antipoliomyélite sous Vichy (Actes dit Lois des 24 novembre 1940 et du 1° juillet 1940) et enfin antituberculeuse sous la IV° République (L 5 janvier 1950).[38]
En second lieu, intellectuellement elle est directement à l'origine de l'affirmation dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 d'un droit à la "protection de la santé",[39] que, depuis 1971, la jurisprudence constitutionnelle regarde comme étant de droit positif. D'ailleurs, à différentes reprises, depuis 1975, le Conseil constitutionnel a indiqué que la protection de la santé avait le caractère d'un "principe de valeur constitutionnelle".[40] Et alors qu'on aurait pu considérer que la phrase du préambule de 1946 n'exprimait qu'une vague intention, la haute instance l'a analysé comme une obligation juridique riche d'implications concrètes, notamment lorsqu'elle a choisi à de nombreuses reprises, depuis 1978, d'examiner si des lois ne méconnaissaient pas ce droit,[41] jugeant ainsi que n'apparaissaient pas contraires à ce principe les contre-visites médicales[42] ou les conditions de résidence pour l'octroi de prestations sociales.[43] Jusqu'à présent, on peut même observer que le problème de la conciliation de la protection de la santé avec d'autres principes constitutionnels a toujours été résolu à l'avantage de la protection de la santé. Ainsi celle-ci légitime-t-elle l'interdiction de l'exercice du droit de grève[44] ou les atteintes au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre, comme l'interdiction de certaines formes de publicité en faveur du tabac ou de l'alcool.[45]
Enfin cet interventionnisme sanitaire a amené à poser la question de la responsabilité de l'Etat et des médecins vaccinateurs face à ces vaccinations imposées. Avec d'autant plus d'acuité qu'à l'orée du XX° siècle l'irresponsabilité de la puissance publique prédominait encore.[46] Dans un premier temps, la responsabilité de l'État fut admise si le requérant fournissait la preuve d'une faute par lui commise. Ensuite, à la fin des années 50, la jurisprudence administrative a assoupli le système en introduisant la présomption de faute.[47] Enfin, la loi du 1° juillet 1964 a introduit le principe d'une responsabilité automatique de l'État en matière de préjudices post-vaccinaux.[48] Ce texte a été la première consécration légale du droit à indemnisation face à la réalisation du risque sanitaire, qui s'est étendu ensuite dans la sphère du droit civil pour toucher notamment le fabricant du vaccin, responsable de tout dommage causé par un défaut de son produit.[49] Toutefois, dans sa conception initiale, le droit à indemnisation devant le juge administratif comportait pour les patients vaccinés trois limites: les accidents ainsi indemnisés devaient être postérieurs à l'entrée en vigueur du texte,[50] ils devaient être imputables à la vaccination et celle-ci devait avoir été effectuée dans un centre public ou un centre privé agréé.[51] Il y avait là une discrimination entre les victimes à laquelle a mis fin la loi du 26 mai 1975.[52] Désormais tous les accidents liés à des vaccinations obligatoires sont indemnisés par l'Etat sur la base de la responsabilité sans faute. Et la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985 a donné à cette réforme un contenu rétroactif.[53]
Bien avant cette époque, les pouvoirs publics ont pris conscience qu'une politique de santé publique ne pouvait pas reposer exclusivement sur la protection des gens en bonne santés et la prévention. Il en a résulté à partir de 1903 une longue série de lois qui intéressent aussi bien les institutions sociales que les institutions sanitaires en ce qu'elles visaient à la fois l'assistance au plus défavorisés et le droit des plus pauvres à accéder aux soins:
- la loi du 15 juillet 1903, qui organise l'assistance médicale gratuite[54]
- la loi du 27 juin 1904 sur l'assistance aux enfants,
- la loi du 14 juillet 1905 sur le secours aux vieillards de plus de 70 ans, aux infirmes et aux incurables privés de moyens,
- la loi du 1910 sur la "protection maternelle et infantile", destinée à combattre la mortalité liée à l'accouchement et aux premiers âges[55]
- la loi du 17 juin 1913 sur l'assistance aux femmes en couche et aux mères allaitant leurs enfants,
- la loi du 14 juillet 1913 relative à l'assistance aux familles nombreuses créant une allocation annuelle versée à tout chef de famille ayant à sa charge plus de trois enfants de moins de treize ans et n'ayant pas des ressources suffisantes pour les élever.
Dans l'Entre-Deux-Guerres, la réforme la plus marquante est à rechercher dans les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930, créant les assurances sociales, obligatoires pour les salariés de l'industrie et du commerce, dont le salaire était inférieur à un certain chiffre. Désormais les patients eurent droit au remboursement de leurs frais médicaux.[56] Il y avait là pour la médecine libérale le risque, réel ou exagéré, peu importe, d'une socialisation du système de soins.
Afin de mieux le faire accepter par le corps médical réticent, les pouvoirs publics ont reconnu à cette occasion le fameux droit du malade à choisir son praticien. Il figure dans l'article 4-2 de la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales.[57] Le même principe fut confirmé peu après par l'article 4-2 de la loi du 30 avril 1930.[58] Il se retrouve aujourd'hui dans le code de la santé publique,[59] le code de la sécurité sociale[60] et, depuis peu, dans le code de déontologie de 1995,[61] ce qui n'empêche pas l'existence d'atteintes actuelles, multiples et croissantes.[62]
Enfin, parachevant cette oeuvre relative à l'accès aux soins, relancée avec l'institution de la Sécurité sociale et poursuivie jusqu'à la loi du 27 juillet 1999 sur la couverture maladie universelle (CMU), qui concerne quatre millions de personnes, la loi Kouchner de 2002 a formalisé le principe théoriquement réalisé de l'égal accès aux soins.[63]
Entre temps, le droit médical, qui apparaissait quasiment comme une branche du droit public au moins jusque dans le premier tiers du XIX° siècle, dans la mesure où il était fortement marqué par les obligations administratives et pénales des médecins, a vu se développer l'encadrement juridique de la relation privée entre la personne soignante et la personne soignée, au point que la discipline s'est recentrée sur le droit civil. Il en a résulté une intervention croissante du juge judiciaire qui a apporté une ample contribution aux droits des patients, qui ont connu une expansion régulière et bien réglée.
Certes, la dignité n'est pas un droit, mais un principe qui ne tient pas nécessairement compte des aspirations de l'être humain et qui d'ailleurs sert parfois à protéger l'individu contre lui-même, comme on l'a déjà relevé pour la maternité de substitution,[64] l'euthanasie[65] ou le clonage reproductif.[66] Mais ce principe, qui est l'acquis d'une lente maturation dont la première manifestation juridique explicite a été le décret du 27 avril 1848 abolissant l'esclavage, regardé comme un "attentat contre la dignité humaine", s'il a fermé la voie à certains actes d'autodisposition du patient, a également contribué à lui donner de nouveaux droits, pas toujours conciliables d'ailleurs avec l'optique "hygiéniste" de la fin du XIX° siècle.[67]
De bonne heure, la dignité a été formellement prise en compte dans l'ordre civil. Ainsi, dès 1913, un arrêt de la Cour de Lyon a posé le principe de la "dignité de la personne humaine" par rapport à un contrat portant sur une vivisection, regardé comme nul et non avenu.[68] Ce qui revenait à consacrer implicitement l'idée que le corps était le substrat de la personne,[69] fondant le principe d'indisponibilité dont l'amplitude, il faut l'observer à la suite de G Cornu, est plus large que la seule non-patrimonialité, qui figure dans la loi de bioéthique du 29 juillet 1994.[70] Ceci n'a pas conféré de nouveaux droits aux patients, mais a fourni un cadre dans lequel ils se situent ou, si l'on préfère, des limites au-delà desquelles ils ne paraîtraient pas devoir s'étendre.
Puis, au terme d'une maturation lente, au fil de décisions ponctuelles,[71] le consentement aux soins a été peu à peu tiré du principe de dignité[72] et consacré par l'arrêt Teyssier de 1942[73] qui l'a érigé au rang de principe général du droit. A peine postérieur, le premier arrêt reliant formellement dignité et consentement date de 1949.[74]
Il s'est agi alors d'une véritable révolution imposée à la médecine par le droit, qui a d'ailleurs tardé à irriguer la déontologie médicale,[75] car "la participation des patients au processus de décision est une idée étrangère au génie de la médecine" [76]. Certes, les médecins se sont traditionnellement voués à l'art de guérir, notamment les plus faibles. Mais pas plus qu'un père ne requiert pour agir le consentement de ses enfants, le prêtre, le consentement de ses fidèles, le maître d'école, celui de ses élèves, on n'a jamais exigé du médecin qu'il sollicite préalablement l'assentiment des malades. Mais ceux-ci devaient lui faire confiance et suivre ses prescriptions. Au XIV° siècle, le chirurgien français Guy de Chauliac écrivait que la personne qui nécessitait des soins devait obéir au médecin "comme un serf à son seigneur".[77]
À rebours de l'idée que suggère l'importance ultérieure prise par les États-Unis dans la naissance de la bioéthique, la médecine et le droit américain y étaient très hostiles.[78] L'Éthique médicale de Thomas Percival,[79] qui y a eu un retentissement profond et durable, était hostile au consentement du malade, ce qui marqua l'American Medical Association, qui sans son premier code d'éthique (1847) n'en soufflait mot. Sous réserve d'une investigation minutieuse, qu'il resterait à entreprendre, la première affirmation juridique du consentement aux soins est peut être à rechercher dans le Slavery Law, avec une vieille décision condamnant un médecin ayant soigné un esclave sans le consentement de son maître.[80]
Contrairement à l'idée qu'on pourrait s'en faire rétrospectivement en songeant à l'époque nazie, c'est en réalité le droit allemand qui a posé les premières règles juridiques sûres. Dès 1898, dans l'affaire Neisser, un médecin prussien fut sanctionné disciplinairement pour avoir inoculé la syphilis à leur insu à des malades hospitalisés, afin de faire progresser la recherche.[81] Deux ans plus tard, le Land de Prusse édicta des Instructions aux administrateurs d'hôpitaux mentionnant la nécessité d'informer les patients et d'obtenir leur consentement. Le 28 février 1931, à l'époque de la démocratie de Weimar donc, le gouvernement fédéral publia des Directives concernant les thérapeutiques nouvelles et l'expérimentation scientifique fondées sur l'autonomie des patients et la doctrine d'un consentement éclairé qui devaient être précédées par des "renseignements appropriés" et être "non équivoques". Le texte précisait même que "l'expérimentation (était) interdite si le consentement n'(avait) pas été obtenu".[82] Il ne semble pas que cette règle ait été correctement suivie. En tous cas, dans un contexte politique bien différent, du fait de l'accession au pouvoir d'Hitler, l'ordonnance du 5 novembre 1937 portant "Code professionnel des médecins allemands"[83] abandonna cette exigence. On sait d'ailleurs qu'à l'époque nazie des médecins allemands tentèrent toutes sortes d'expériences sur des êtres humains utilisés comme de simples cobayes, notamment le sinistre Dr Mengele avec ses études sur la gémellité qui le conduisirent à pratiquer la vivisection sur des femmes enceintes... .
C'est dire l'importance historique de l'arrêt Teyssier rendu par la Cour de cassation française en 1942,[84] dans un environnement qui n'était pas propice. D'ailleurs, le premier code de déontologie, qui date de 1941, ne faisait pas état du consentement aux soins et son premier président, le dr. Louis Portes, qui a eu pourtant une attitude incontestable sous l'Occupation, n'y était nullement favorable.[85]
Mais, après la seconde guerre mondiale, le principe a été consacré par le "code de Nuremberg"[86] de 1947[87] et a commencé à pénétrer différents droits nationaux, comme le droit américain, à partir de la fin des années 50.[88] Depuis, revivifié par la bioéthique qui sacralise l'informed consent (assentiment éclairé), non sans excès, croyons-nous d'ailleurs,[89] le principe a pris de l'ampleur en droit français. Le premier texte à avoir consacré chez nous une obligation générale de consentement aux soins est la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, qui pourtant met au premier plan la finalité thérapeutique de l'intervention médicale: "Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir",[90] car, indépendamment du consentement du patient, "il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne.[91] En d'autres termes, il n'est plus admis aujourd'hui que le médecin décide unilatéralement de ce qui doit être le bien du patient et le lui impose. C'est d'autant plus vrai que les textes les plus récents, comme la loi du 4 mars 2002, "semblent introduire une inversion des rôles"[92] en mettant au premier plan le consentement de la personne et au second plan la nécessité thérapeutique.[93] On peut se demander s'il ne s'agit pas là déjà d'une conséquence de l'impérialisme du droit de la consommation et de l'essor du consumérisme, qui fait du patient un "consommateur de soins".
Le droit à la qualité des soins est lui-même le fruit d'une maturation graduelle, qu'il faut saluer même si l'idée porte également en elle les germes de certains abus possibles. Ses étapes constitutives ont été:
- le droit à obtenir de son médecin de mettre en oeuvre "des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science",[94] consacré par la Cour de cassation en 1936.[95]
- le droit à ne pas courir des dangers thérapeutiques injustifiés,[96] ce qui signifie à contrario qu'il n'y a donc aucun droit d'accès à un traitement expérimental,
- le droit, sinon à la sécurité sanitaire absolue, car le risque zéro n'existe pas, du moins à la meilleure sécurité sanitaire possible.[97]
Enfin, après des avances jurisprudentielles notables dans le courant des années 90, en matière judiciaire et administrative,[98], on peut parler aujourd'hui d'un droit à indemnisation reposant sur la solidarité nationale, non pas pour tous les aléas thérapeutiques,[99] mais pour tous les accidents médicaux ne remplissant pas les conditions de la responsabilité médicale, c'est à dire:
- les actes iatrogènes non fautifs,
- les accidents causés par le défaut d'un produit de santé ayant eu pour le patient "des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci"[100]
- et les infections nosocomiales, pour lesquelles l'établissement de santé a pu opposer une cause exonératoire[101] répondant aux conditions du législateur du 4 mars 2002, précisée par le décret du 4 avril 2003, relativement à la gravité du dommage le décès ou un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 pour cent).
Toutefois ce droit à indemnisation reste aujourd'hui circonscrit dans des limites très étroites, puisqu'il ne concernerait peut-être que 3 pour cent des accidents médicaux.
Il n'en demeure pas moins que l'indemnisation du drame médical, que celui-ci relève ou non d'une faute, devient une attente essentielle de la population, relayée par l'évolution récente.[102]
Dès lors il ne faut pas s'étonner que ce souhait se soit peu à peu imposé comme "l'un des droits fondamentaux de la personne malade".[103] Un droit encore en devenir, qui cherche sa voie en dépit des obstacles que lui opposent les pesanteurs médicales et financières, qui pourtant ne sont pas à mépriser.
On peut donner un exemple de cette progression parfois sinueuse du droit à indemnisation avec la réparation civile de la perte de chance de guérison (ou de survie) introduite par la jurisprudence en 1965[104] et étendue en 1990[105] qui permet d'offrir une compensation pécuniaire, bien que le requérant n'ait pas pu prouver formellement le lien de causalité entre le dommage et le fait incriminé par lui comme générateur du dommage. Notamment lorsqu'un médecin a donné à un patient des informations erronées ou insuffisantes qui ont influé sur son choix.[106]
A la différence du consentement aux soins, le secret médical est une composante de l'éthique médicale depuis la tradition hippocratique. Mais l'ancienneté de ce principe ne doit pas occulter des métamorphoses successives qu'il n'est pas possible de retracer ici. On se bornera à noter que le secret concernant tout ce que le médecin avait pu découvrir est restée longtemps une norme de conduite échappant à la sanction du droit., puis une obligation pénalement sanctionnée, au plus tard depuis le Code pénal de 1810.[107] Ce n'était pas pour autant un droit subjectif pour les personnes soignées.
Dans le cadre de la conception qui a émergé à la fin du XIX° siècle avec P Brouardel [108] et marqué une bonne partie de la médecine libérale du XX°, fortement marqué par le paternalisme médical, le secret était une obligation médicale absolue, qui devait garantir la confiance des malades dans les médecins [109] et le bon fonctionnement de la médecine dans la société.[110] C'est la conception classique admirablement exprimée par Louis Portes: "le secret professionnel est...la pierre angulaire de l'édifice médical et il doit le rester parce qu'il n'y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidence et de confidence sans secret".[111] Dans le cadre de cette conception, le secret échappe à la volonté du malade. Il ne lui appartient pas, il appartient au médecin, parce qu'il a à charge les intérêts du "malade" de déterminer seul ce qui est bon pour ce dernier et, par voie de conséquence, ce qu'il peut entendre. C'est en ce sens qu'avait statué un arrêt criminel de 1947, souvent cité: "Cette obligation, établie pour assurer la confiance nécessaire à l'existence de certaines professions, s'impose aux médecins comme un devoir de leur état; elle est générale et absolue et il n'appartient à personne de les en affranchir",[112] même la personne par lui soignée. La règle figurait dans le code de déontologie médicale de 1941.[113] Certes elle a disparu dans les codes suivants.[114] Mais la jurisprudence judiciaire[115] et disciplinaire[116] l'ont durablement maintenue. Cette formule se retrouve dans des arrêts de la chambre pénale de la Cour de cassation en 1966 et 1967. Enfin cette manière de voir trouvait encore sa traduction dans l'article 42 de l'ancien code de déontologie de 1979.[117]
Autre est la thèse individualiste, qui voit dans le secret médical un droit subjectif du patient et, plus largement, un aspect des droits de l'individu à l'intimité de sa vie privée[118] et à la dignité. En effet, il est clair que, vu sous cet angle, le secret existe dans l'intérêt du patient qui a le droit d'être complètement informé sur son état. Cette vision s'est affirmée de manière croissante dans le dernier quart du XX° siècle. C'est en ce sens qu'a statué le Conseil d'État[119] et la chambre sociale de la Cour de cassation dès 1972.[120] Telle aussi est l'approche de la Cour de justice des communautés européennes[121] et celle de la Cour européenne des droits de l'homme.[122] L'évolution est nette dans le code de déontologie médicale de 1995, qui pose dorénavant le principe que l'information est due par le médecin à son "patient"[123] et ne reconnaît d'exception qu'à titre de motifs graves.[124] Mais c'est l'affaire du "Grand secret" sur le cancer de la prostate du président Mitterrand révélé en janvier 1996 par le docteur Gübler,[125] son ancien médecin traitant, qui a lié le secret médical et l'intimité de la vie privée, quels que soient le rang, la naissance, la situation de la personne. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a consacré ce changement[126] en faisant du secret un véritable droit subjectif reconnu aux patients.[127] Le lien désormais fermement établi entre le droit au secret médical et le droit civil à l'intimité de la vie privée permet de comprendre le souci contemporain de couvrir de la "discrétion"[128] les données médicales informatisées relatives à la santé, qui ne relèvent pas obligatoirement du secret médical: d'où la loi du 1 juillet 1994 instituant un comité sur le traitement de l'information, en matière de recherche, consacrant l'intervention de la CNIL née de la loi de 1978 et une nouveauté importante de la loi Kouchner: l'encadrement des conditions dans lesquelles les données de santé pourront être confiées à un prestataire pour l'hébergement (avec notamment le droit du patient à consentir par avance à ce transfert de données et celui d'agréer l'hébergeur pressenti).
Enfin il faut évidemment rattacher au principe de dignité, le droit du patient à une fin de vie digne, pour reprendre l'expression qui apparaît pour la première fois dans la circulaire Laroque du 26 août 1986, mais aussi dans un avis célèbre du comité consultatif national d'éthique.[129]
La "fin de vie" est, par définition, une partie de l'existence. Et "mourir est une phase de la vie".[130] Il en résulte que ce qu'on appelle les mourants n'appartiennent pas à une catégorie spécifique à laquelle on appliquerait un droit dérogeant au droit commun des patients. À tout prendre, la tendance qui est à l'oeuvre dans notre droit serait plutôt d'insister un peu plus sur les droits de ces personnes tout particulièrement vulnérables.[131] C'est d'ailleurs à leur intention qu'est née la notion de soins palliatifs, qui s'est ensuite généralisée à tous les malades. Et à leur propos bien sûr qu'on a été conduit à condamner ce qu'il est convenu d'appeler "l'acharnement thérapeutique".
Ce sont là les deux aspects du droit à la dignité de la vie finissante: le droit à accéder aux soins palliatifs et le refus des soins curatifs devenus sans objet.
La première reconnaissance juridique des premiers se trouve dans la circulaire Laroque de 1986. Depuis la loi hospitalière n° 91-748 du 31 juillet 1991, ces soins font partie des missions générales de l'hôpital, ce qui signifie que désormais leur accès est présenté comme un droit général pour tous les patients.[132] A compter de la loi Neuwirth n° 99-477 du 9 juin 1999,[133] première loi française intégralement consacrée à cette question, les pouvoirs publics se sont efforcés de garantir effectivement l'accès aux soins palliatifs, si bien qu'aujourd'hui, l'accès à de tels soins est considéré comme "un ultime droit de la personne gravement atteinte à accéder à une mort digne en préservant la meilleure qualité de vie possible jusqu'au décès".[134]
Négativement, il y a aujourd'hui un droit émergent à ne pas être victime de l'acharnement thérapeutique. Depuis le code de déontologie médicale de 1995, l'arrêt de soins déraisonnables et le soulagement de la souffrance sont des devoirs médicaux "en toutes circonstances".[135] Et il faut noter à cette occasion que le droit français n'admet l'euthanasie sous aucune de ses formes, à la différence de ce qu'une certaine bioéthique serait portée à admettre,[136]et à l'opposé des solutions juridiques qui prévalent dans quatre systèmes juridiques, en Suisse,[137] aux Pays-Bas depuis la loi du 10 avril 2001, en Belgique depuis la loi du 28 mai 2002 et dans l'État de l'Oregon aux États-Unis depuis le Dignity Act du 27 octobre 1997.[138]
Enfin, bien qu'en principe la mort mette un terme à la personnalité juridique on peut dire que le patient décédé a le droit implicite de conserver son intégrité corporelle s'il choisit par avance de ne pas se prêter sa dépouille mortelle à des prélèvements d'organes et dès lors qu'il ne vise pas à enrayer le processus naturel de dissolution du corps.[139]
En France, dans l'ordre privé, la relation médicale demeure encore fondamentalement une relation civile, c'est à dire une relation régie par le droit commun et non par un droit dérogatoire, caractérisé par l'acceptation du mobile commercial et, ceci expliquant cela, la méfiance inévitable du client à l'égard du professionnel. Il n'en est pas de même de la relation commerciale, qui se noue entre un consommateur et un professionnel, lequel agit dans un but exclusivement lucratif, qui d'ailleurs n'est en rien illégitime.
Il n'en demeure pas moins que le droit de la consommation déteint aujourd'hui sur le droit médical.
Il a bénéficié pour cela d'un cadre propice avec notamment la réglementation des prix et services après la seconde guerre mondiale qui s'est étendu aux tarifs médicaux comme s'il s'agissait là de services ordinaires,[140] ainsi que la publicité et l'affichage des tarifs médicaux,[141] non seulement dans les cabinets mais également à l'hôpital,[142] qui suggéraient des similitudes entre le monde de la santé et l'univers de la consommation.
Cette influence a parfois conduit à améliorer la protection des patients à l'égard des professionnels de santé.
On pourrait en donner comme emprunt significatif en droit pharmaceutique le refus de vente et en droit médical le droit à rétractation[143] et surtout l'élargissement du droit à l'information.
L'information en droit médical n'a été d'abord que le préalable nécessaire à l'expression par le malade d'un consentement éclairé. Venue du droit civil, elle n'a été admise qu'assez tardivement par le juge administratif, qui a attendu 1988 pour condamner pour la première fois un hôpital public pour défaut d'information[144] et elle n'a été consacrée par la déontologie médicale que dans le code de 1995. Au départ, elle avait une étendue limitée, portant sur l'état de santé du patient, dans la mesure où celui-ci pouvait être communiqué sans danger à l'intéressé, son évolution envisageable, l'utilité, les conséquences et les risques normalement prévisibles de l'intervention ou du traitement projeté.[145]
Tout comme le droit de consentir aux soins, le droit d'être informé sur son état de santé a été renforcé par l'affirmation croissante du principe de la dignité humaine dans l'ordre médical. D'ailleurs, d'un point de vue juridique formel, la valeur juridique de cette obligation dépasse aujourd'hui la déontologie professionnelle, où elle a été consacrée en 1995,[146] puisque, depuis 2001-2002, elle est recherchée dans la loi[147] et même dans l'exigence du respect du "principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine"[148] dégagé par le Conseil constitutionnel.[149] On pourrait en donner comme exemple l'arrêt du 9 octobre 2001,[150] par lequel la Cour de cassation s'est fondé sur "l'exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine" pour juger que l'obligation d'information couvrait toutes les données acquises de la science, alors même que les règles juridiques alors en vigueur n'imposeraient pas de les communiquer.
Mais l'extension concrète de la notion doit beaucoup plus à l'influence du droit de la consommation.[151] Sans être absolument sans borne -notamment parce que le "privilège thérapeutique" qui permet la non-divulgation subsiste[152] son étendue se situe aujourd'hui très au-delà des limites traditionnellement admises.
En premier lieu afin de lui garantir le plus haut niveau de sécurité, le droit du patient à être informé ne se limite plus aux risques normalement prévisibles, puisque, depuis une évolution jurisprudentielle accomplie en 1997-2000, elle englobe aussi les risques exceptionnels.[153]
La loi du 4 mars 2002 a ajouté une précision d'ordre extra-médical, révélatrice d'un nouvel état d'esprit: "avant l'exécution d'un acte" les professionnels de santé d'exercice libéral doivent informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d'assurance-maladie.[154]
Et s'agissant de l'information concernant les "actes médicaux ou chirurgicaux à visée esthétique",[155] entendue traditionnellement de façon plus rigoureuse,[156] il faut ajouter que, depuis la loi du 4 mars 2002 celle-ci doit porter de surcroît sur les tarifs pratiqués, sous forme de "devis détaillé" pour toutes les prestations et un délai impératif de réflexion est établi en faveur du patient,[157] ce qui dénote une influence caricaturale du droit de la consommation.
S'agissant de l'information postérieurement au traitement médical ou chirurgical, depuis la loi du 4 mars 2002,[158] le patient bénéficie désormais d'un droit d'accès direct au dossier médical, alors que dans le dispositif antérieur il ne pouvait accéder à celui-ci que par l'intermédiaire d'un médecin.[159]
Enfin, même si, formellement, on est jamais sorti du droit commun, la preuve de l'information a vu ses règles infléchies dans un sens parallèle à celui du droit des consommateurs. Dans un premier temps, en s'appuyant sur une certaine lecture de l'article 1315 du Code civil, considérant que c'était le médecin qui se prétendant libéré de toute obligation d'information devait prouver qu'il avait informé son patient, la jurisprudence lui a imposé la charge de la preuve.[160] Puis dans l'arrêt Martin-Birot de 1951, la Cour de Cassation a pour la première fois jugé qu'il incombait au patient de rapporter la preuve que le praticien ne l'avait pas informé des risques d'un acte médical[161] en se fondant sur une autre interprétation de l'article 1315.[162] Depuis le premier arrêt Hédreul de 1997[163] c'est à nouveau au professionnel de prouver qu'il a correctement informé la personne soignée. Certes la cour a opéré ce revirement jurisprudentiel en se raccrochant toujours au droit commun, puisé cette fois à l'article 1385-2.[164] Mais cette inflexion va dans le sens qui est également celui du droit de la consommation.[165]
Dans certains cas, la pénétration du droit de la consommation n'a pas conduit seulement à des infléchissements mais à l'adoption de mécanismes inédits dans l'univers médical. Il en est ainsi de l'émergence du droit à un certain résultat thérapeutique, dans un domaine classiquement régi par l'obligation de moyens.
Tout d'abord, dans certaines hypothèses, il existe un véritable droit au résultat promis. Certes on n'imagine plus aujourd'hui que le résultat puisse être la guérison.[166] Mais si le médecin s'est engagé à exécuter un acte à un moment déterminé ou promet de l'exécuter personnellement par exemple lorsqu'un obstétricien promet de procéder en personne à un accouchement il engage sa responsabilité sur la base d'un tel manquement.[167] Il en est de même si un chirurgien esthétique indique à son patient qu'il va pratiquer une incision d'une longueur déterminée et que celle-ci est plus importante que prévue.
Il en va encore ainsi chaque fois que la nature de la prestation exclut tout aléa (ce qui est rare). Ainsi, si un chirurgien-dentiste est tenu d'une simple obligation de moyens quant aux soins à donner à son patient, y compris la pose d'une prothèse,[168] il est en revanche astreint à une obligation de résultat quant à la délivrance d'une prothèse dentaire sans défauts [169] ou l'utilisation de ses instruments de travail.[170] Dans de telles hypothèses, le praticien expose sa responsabilité s'il n'a pas honoré son engagement, en dehors de toute cause étrangère et qu'il en a résulté un dommage pour le patient. De même, en ce qui concerne la transfusion sanguine, le donneur qui s'adresse à un établissement est en droit d'attendre la sécurité la plus totale. D'ailleurs la jurisprudence a toujours considéré que les centres de transfusion sanguine (CTS) devaient assumer à leur égard une obligation de résultat et la loi du 4 janvier 1993 a confirmé cette responsabilité sans faute vis à vis des donneurs.[171]
Enfin les vaccins sont aujourd'hui soumis à l'obligation légale de résultat destinée à garantir la sécurité à laquelle l'utilisateur de tels produits peut légitimement s'attendre.[172] Ceci résulte de différents textes, notamment de la loi du 1 juillet 1964 (modifiée le 26 mai 1975)[173] et de la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux qui pose le principe d'une responsabilité sans faute du producteur, responsable de tout dommage causé par un défaut de son produit.[174]
Enfin il est aujourd'hui des droits émergents qui reflètent l'influence croissante du consumérisme, notamment le droit à la satisfaction des soins dispensés.[175]
Ces transformations radicales ont conduit à accroître la sécurité des patients. Peut-on en dire autant du refus de soins, décalque absurde du droit du consommateur de ne pas acheter le service proposé?
Une fois admis le principe du consentement, la logique juridique a fini par en tirer abstraitement la conclusion de la légitimité du refus de soin opposé par le malade au médecin, désireux d'agir au nom du principe de bienfaisance. Doctrinalement c'était déjà le point de vue de Savatier, Auby et Péquignot dans leur "Traité de droit médical" en 1956.[176] Cependant, il a fallut attendre la loi du 9 juin 1999 sur l'accès aux soins palliatifs pour que cette conséquence soit légalement constaté dans ce qui était, jusqu'en 2002, l'article L 1111-2 du code de la santé publique, disposant que la personne malade pouvait s'opposer à toute investigation ou thérapeutique. Depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002, cet article a été abrogé, mais le principe qu'il consacrait a été repris dans le nouvel article L 1114-4 qui développe tous les aspects de la prise de décision partagée entre le médecin et le malade en mettant l'accès sur le consentement du second, sans que le texte évoque le péril de mort ou même la demande d'euthanasie.[177] Il y a là une extension qui est sans danger dans l'univers de la consommation, mais qui est de nature à susciter de l'inquiétude dans le champ médical. Certes, comme le ressort de l'activité médicale est la fin thérapeutique, qui implique que le médecin intervienne pour protéger la santé et la vie, notre droit a encore tendance à réduire au maximum les cas concrets dans lesquels le refus du malade peut produire ses pleins effets juridiques.[178] Mais il n'en demeure pas moins qu'existe aujourd'hui un "droit au refus des soins" (P Sargos)[179] consacré par le législateur en des termes absolus qui ne prévoient aucune limite relative aux conséquences du refus sur la santé de l'intéressé.[180] Et il y a là le risque de mortelles dérives. On y succombera inévitablement à confondre le droit médical et le droit de la consommation. Ce qui reviendrait à oublier qu'on n'entre pas en maladie comme on acquiert un bien de consommation.
En guise de conclusion, on pourrait noter que, dans sa définition des droits des patients, le droit français n'est parvenu actuellement qu'à un équilibre momentané entre les exigences contradictoires des droits des patients et de l'ordre public. Celui-ci a reculé sur la question du transsexualisme,[181] il a plié sur celle des stérilisations non thérapeutiques,[182] mais il hésite encore sur l'indemnisation des personnes victimes d'un accident médical non fautif[183] et même sur celles victimes d'un handicap de naissance, qui toutefois devraient prochainement obtenir réparation, malgré l'incertitude procédant de l'article 1° de la loi du 4 mars 2002.[184] Mais en ce qui concerne l'euthanasie, largement jugée contraire à la dignité humaine, l'idée d'un droit à choisir sa mort ne paraît susceptible d'être admise dans un avenir prévisible, à moins d'imposer une nouvelle distorsion au droit au refus de soins.
[*] Professeur agrégé de Droit. Directeur du Centre de droit de la santé de la Faculté de Droit et de Science politique d'Aix-en-Provence, Chargé d'enseignement aux Facultés de Médecine et de Pharmacie de Marseille.
[1] Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (toujours en vigueur): "La Nation ... garantit à tous ... la protection de la santé". Par ailleurs, à différentes reprises, le Conseil constitutionnel a indiqué que la protection de la santé avait le caractère d'un "principe de valeur constitutionnelle" (74-54 DC 15 janvier 1975; 77-92 DC 18 janvier 1978; 80-117 DC 22 juillet 1980; 89-269 DC 22 janvier 1990). En théorie, toute disposition législative qui porterait atteinte à ce droit devrait être regardée comme inconstitutionnelle.
[2] CSP, art L 1110-1 (L n°2002-303 du 4 mars 2002, art 3) sur "le droit fondamental à la protection de la santé".
[3] Car la liberté est consubstantielle à la démocratie et les droits qui se fondent sur la liberté contractuelle en droit médical privé ont leur pendant en droit hospitalier où pourtant il n'existe aucun contrat entre PH et usagers du service public de santé.
[4] I Lévy (éd) Soins et Croyances (Estem, Paris, 1999) est la référence incontournable pour qui est intéressé par la prise en compte de la religion dans la dispensation des soins.
[5] R Savatier Les Métamorphoses économiques et sociales du Droit Civil d'aujourd'hui (2° série), chap VIII, 234.
[6] Berufsordnung für die Deutschen Arzte vom 5 November 1937 (comparer Émile Berg "Code Professionnel des Médecins Allemands du 5 novembre 1937. Sa Comparaison avec le Code de déontologie français du 1 avril 1941", Thèse Médecine, Strasbourg, 1947, qui a publié en annexe une traduction française de ce texte, dont le code français de 1941 ne s'est pas inspiré.
[7] Voir par ex § 2 sur le secret, § 6 sur la médecine ambulatoire et § 11 sur le plafonnement des honoraires médicaux. On notera avec tristesse que ce texte est hélas précurseur dans certains domaines, notamment § 22: "En choisissant ses médicaments, le médecin doit tenir compte des nécessités économiques qui sont publiées par la Chambre des Médecins du Reich".
[8] R Villey (éd ) Histoire du Secret Médical (Seghers, Paris, 1986).
[9] B Hoerni et M Bénézech L'Information en Médecine: Evolution Sociale, Juridique, Éthique (Masson, Paris, 1994).
[10] F Ferrès "Du Fondement et du Caractère de la Responsabilité Juridique des Médecins" (Thèse Droit, Strasbourg, 1934) 126; H Joubrel "La Responsabilité Civile des Médecins" (Thèse Droit, Rennes, 1939) 23.
[11] Diodore de Sicile, I, 82; Hérodote, II, 65.
[12] Voir dernièrement: B Winiger (éd) La Responsabilité Aquilienne en Droit Commun: Damnum Culpa Datum (Helbing & Lichtenhahn, Genève-Bâle-Münich, 2002) 36, 53 et 215.
[13] A Rey (dir) Dictionnaire Historique de la Langue Française (Le Robert, 2° éd Paris, 1998) 2609 a.
[14] JC Careghi "Une Responsabilité Civile Médicale a-t-elle Existé dans l'ancien Droit Français? (XVI°-XVIII° siècles)?" RRJ, 2003. Cette étude complète opportunément celle d'A Laingui, JIlles, "La Responsabilité Pénale du Médecin dans l'ancien Droit", parue sous la direction de D Truchet, dans Études de Droit et d'Economie de la Santé, Travaux et Recherches. Série Faculté des Sciences Juridiques de Rennes (Economica, Paris, 1982).
[15] Trib civ Domfront, Foucault c dr Hélie, 28 septembre 1830; comparer A Trébuchet Jurisprudence de la Médecine, de la Chirurgie et de la Pharmacie en France (JB Baillière, Paris, 1834) 195-201.
[16] En 1832, à l'occasion de la terrible épidémie de choléra, plusieurs médecins furent pris à partie (J Ruffié et JC Sournia Les Epidémies dans l'Histoire de l'Homme (2° éd, Flammarion, Paris, 1995) 137).
[17] Req 18 juin 1835 (S 1835, 1, 401). Cet arrêt a donné naissance à un contentieux qui, sans être comparable à celui que nous connaissons aujourd'hui, était néanmoins important (Étienne-Martin Précis de Déontologie et de Médecine Professionnelle (Masson, Paris, 1923) chap VIII, 87-88 "Responsabilité Médicale et Notamment").
[18] Les règles de droit commun de la responsabilité délictuelle ont été appliquées jusqu'à l'arrêt Mercier qui a reconnu l'existence d'un contrat médical et fondé la responsabilité médicale sur le mécanisme civil de la responsabilité contractuelle (Cass civ, Dr Nicolas c époux Mercier, 20 mai 1936, S1937.1.321; DP 1936, 1, 88).
[19] Un exemple d'utilisation pourrait être donné chez M Simon Déontologie Médicale. Des Devoirs et des Droits des Médecins (Baillière, Paris, 1845) 335.
[20] Larousse du XX°siècle (Paris, 1932) t. 5, v° Patient, 416.
[21] La première loi à introduire la notion a été la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972.
[22] Les décrets portant code de déontologie antérieurs à cette époque parlent encore de malades (par ex le D du 22 juillet 1967 portant, code de déontologie des chirurgiens-dentistes) puis, à partir de 1991, de patients (D 8 août 1991 relatif portant code de déontologie des sages-femmes, D 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières, D du 15 juin 1994 modifiant le code de déontologie des chirurgiens-dentistes, D 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale).
[23] J Mestre "Des Notions de Consommateur" (RTDC, 1989) 67. Contra: V Vigneau "Trente ans de Jurisprudence sur la Notion de Consommateur" (30 août - 2 septembre 2002) Gaz Pal 1279 (qui prend appui sur l'évolution de la jurisprudence "depuis dix ans").
[24] Dans La Médecine et la Chirurgie des Pauvres (1714) Dom Nicolas Alexandre, Bénédictin, se donne pour objet de donner aux pauvres "surtout à ceux de la campagne ... des moyens sûrs et aisés de se soulager dans leurs infirmités".
[25] A Carol Histoire de l'Eugénisme (Seuil, Paris, 1995).
[26] M Delon dir Dictionnaire Européen des Lumières (PUF, Paris, 1997) v°Médecine, 691.
[27] L'appellation apparut en 1764 dans les Gedanken von dem Nutzen und Nothwendigkeit einer medicinischen Policeurordnung in einer Staat de Wolfgang Thomas Rau (1721-1772), mais elle a surtout été développée par Johann Peter Frank (1745-1821) et son System einer Völlständigen Medicinischen Polizey en 1779 (M Delon dir, op cit, v° Médecine, 691).
[28] En 1710, le roi expédia aux intendants des boites de remèdes à distribuer gratuitement dans les campagnes et, en 1750, un médecin chargé des épidémies fut nommé dans chaque intendance (L Bély (dir) Dictionnaire de l'Ancien Régime (PUF, Paris, 1996) v°Médecine, 811 (à la rubrique suivante la création de fonction de médecin des épidémies est datée de 1786; v°Médecins, 813). Un arrêt du conseil du 29 avril 1776 établit à Paris (sous le nom de Commission de Correspondance Royale de Médecine) une Commission de Santé publique avant la lettre, pour permettre aux médecins parisiens de collaborer avec les médecins de province au sujet des maladies épidémiques et épizootiques, en vu de réformer les "abus qui peuvent intéresser la santé des hommes et même des bestiaux" (art 8). Mais son activité demeura strictement académique. Elle se transforma d'ailleurs en Société royale de médecine par lettres patentes d'août 1778.
[29] Elle a nourri celles-ci dans le domaine de l'assistance sociale, ne touchant au domaine sanitaire que de manière connexe. A ce titre on peut citer l'adoption par la Convention montagnarde d'un "plan de constitution pour la médecine en France" (M Delon dir, op cit, v° Médecine, 691) conçu par le dir Félix Vicq d'Azyr (1748-1794). Sans que cela n'ait eu aucune incidence concrète. Et la célèbre loi du 22 floréal an II qui prévoyait l'institution dans chaque district de trois "officiers de santé" payés par la République £1000 par an pour soigner gratuitement les pauvres, à leur domicile (J Godechot Les Institutions de la France sous la Révolution et l'Empire (3° éd, PUF, Paris, 1985) 442).
[30] 1752-1800.
[31] Médecine Légale et Police Médicale (1 éd (posthume): Arthus Bertrand, Paris, 1807).
[32] Selon Mahon, elle englobe l'ensemble des règles qui concernent l'exercice de "l'art de guérir" dans "tout ce qui peut contribuer à assurer la santé publique... elle embrasse dans son objet la société toute entière, soit en prévoyant et en éloignant les causes malfaisantes qui menacent la santé publique, soit en les combattant avec les grands moyens que peut employer la science soutenue de l'autorité, si le mal a trompé toute la prévoyance humaine" (ibid, t 1, Préface de l'éditeur, XXI).
[33] Ibid, t 3, 3-5.
[34] Introduite par le règlement de police sanitaire du 4 janvier 1896.
[35] H Monod La Santé Publique (Législation Sanitaire de la France) Hachette 1904 Annexe VII, 198-213; G Amat Pouvoirs et Rôle des Maires au Point de vue de la Protection de la Santé Publique (Thèse Droit, Paris, 1905); P Strauss et A Fillassier La Loi de Protection de la Santé Publique (Rousset, 1905); AJ Martin et A Bluzet Commentaire de la Loi du 15 février 1902" (Masson, 1906); H Sergent De l'Etendue des Pouvoirs de Police Municipale en Matière de Salubrité et de Santé Publiques (Thèse Droit, Paris, 1906) et plus récemment FR Burdeau Propriété Privée et Santé Publique: Étude sur la loi du 15 février 1902: Histoire du Droit Social Mélanges en Hommage à Jean Imbert (PUF, Paris, 1989) 125-133.
[36] D Truchet "La loi du 4 mars 2002 et la Prévention: Une Double Lecture" (Petites Affiches, 19 juin 2002, n° 122) 43.
[37] H Monod La Santé Publique. Législation Sanitaire de la France, op cit, Annexe IX, 237: l'article 1° du décret d'application (publié au JO du 20 février) énumère la fièvre typhoïde, le typhus, la variole, la scarlatine, la rougeole, la diphtérie, la suette miliaire, le choléra, la peste, la fièvre jaune, la dysenterie, certaines infections des nouveaux-nés "lorsque le secret de l'accouchement n'a pas été réclamé" et la méningite cérébro-spinale. Fait remarquable, il omet la tuberculose, bien qu'elle ait été démontrée contagieuse par Villemin en 1865, son agent causal, découvert par Robert Koch en 1882 et quoique Calmette et Guérin aient créés à Lille, l'année précédente, le premier dispensaire antituberculeux (mais la vaccination par le BCG – ou bacille de Calmette et Guérin – ne fut appliquée pour la première fois chez l'homme qu'en 1921 et rendue obligatoire en France par la loi du 5 janvier 1950.
[38] CSP, anc art L 6, L 7 et L 7-1, NCSP(2000), art L 3111-1, L 3111-2 et L 3111-3. Avant la loi du 2 juillet 1979, modifiée par la loi n° 84-404 du 30 mai 1984, l'ancien article L 5 du code de la santé publique prévoyait également une obligation de vaccination antivariolique, toutefois cette dernière a été "suspendue". Tout au plus l'actuel article L 3111-8 prévoit qu'"en cas de guerre, de calamité publique, d'épidémie ou de menace d'épidémie, la vaccination ou la revaccination antivariolique peut être rendue obligatoire par décret ou par arrêtés préfectoraux pour toute personne, quel que soit son âge".
[39] "La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs" (C 27 octobre 1946, préambule, alinéa 11).
[40] 74-54 DC 15 janvier 1975; 77-92 DC 18 janvier 1978; déc 74-54 DC du 15 janvier 1979, Interruption Volontaire de Grossesse, GD n° 23; 80-117 DC 22 juillet 1980; 89-269 DC 22 janvier 1990.
[41] Déc 77-92 DC du 18 janvier 1978, Contre-visite médicale; déc 86-225 DC du 23 janvier 1987, Amendement Séguin, RJC 1, 305.
[42] Déc 77-92 DC du 18 janvier 1978, Contre-visite médicale.
[43] Déc 86-225 DC du 23 janvier 1987, Amendement Séguin, RJC 1, 305.
[44] Déc 80-117 DC.
[45] Déc 90-283 DC du 8 janvier 1991, Lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, RJC 1, 417.
[46] G Bigot Introduction Historique au Droit Administratif Depuis 1789 (PUF, Paris, 2002) 288.
[47] CE ass, 7 mars 1958, Sec d'État à la santé C/ Dejous, Rec p 153, RDP 1958, 1087, concl Jouvin; ass, 13 juillet 1962, Min santé publique c/ Lastrajoli, Rec, 507, D 1962, J 727, note J Lemasurier, RDP 1962, 975, concl Méric, AJDA, 1962, 533, chr Galabert et Gentot.
[48] CSP, anc art L 10-1.
[49] C civil, art 1386-1 issu de la loi du 19 mai 1998.
[50] CE, 28 janvier 1983, Demoiselle Amblard, Rec, 32, D 1984, in F rap 153, comm Moderne et Bon.
[51] CE sect, 29 novembre 1967, Augusto, Rec, 422; 24 octobre 1973, Ruelle, Rec 592; 3 mai 1974, Epoux Berrebi, Rec, 266.
[52] CSP, anc art L 10-1 et L 10-2.
[53] CSP, art L 3111-9.
[54] Certes le corps médical doit, en vertu d'une obligation morale, soigner les pauvres gratuitement, mais le législateur pense qu'une protection légale sera plus efficace (ibid, 542).
[55] En 1909, la mortalité infantile était de 143 pour 1000 naissances. Depuis ce taux est descendu à 110 (1945) 50 (1950), 10 (1980), 7,3 (1990) et présentement 5,1 (1997) (Le Moniteur des Pharmacies, n° 2369 du 14 octobre 2000, 19).
[56] Mais il existait une liberté de choix entre une caisse publique départementale et des organismes assureurs privés, qui d'ailleurs fleurirent à cette époque. Les organismes assureurs devaient percevoir une double cotisation du salarié et de l'employeur, égale au total à 8 pour cent du salaire versé par celui-ci à celui-là, soit 4 pour cent à la charge de chacun. En contrepartie, ils devaient verser aux affiliés des prestations en cas de maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès.
[57] JO 12 avril 1928.
[58] JO 1 mai 1930.
[59] CSP, art L 1111-1, al 1: "Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire".
[60] CSS, art L 162-2.
[61] CDM, tit I, art 6: "Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l'exercice de ce droit". On remarquera que ce texte fait peser l'obligation sur les médecins et pas sur les pouvoits publics ... Voir également art 58, 60 et 68.
[62] F Bolot,"Feu le Libre Choix du Médecin par le Patient?" (17 juin 1999) Gaz Pal 868-877.
[63] CSP, art L 1110-1, 3 et 5. "Cette disposition ne peut être interprétée comme un droit à l'accès à toute forme de soin, c'est en fait essentiellement sur le principe de l'égal accès que ce texte met l'accent" (B Mathieu "Les Droits des Personnes Malades" (Petites affiches, 19 juin 2002, n° 122, 11)). Aucune discrimination n'est admissible notamment en raison des caractéristiques génétiques (C civ, art 16-3 / loi du 4 mars 2002, art 3).
[64] À la demande du comité consultatif national d'éthique (institué en 1983), la nullité de ce contrat a été posée par la Cour de Cassation le 31 mai 1991 (DS, 1991 J 417; JCP, 1991 II 21752; RTDC, 1991, 517) avant d'être affirmée par la loi du 29 juillet 1994.
[65] J Guigue dans Sommes-nous Propriétaires de Notre Mort? Aspects Ethiques, Juridiques et Médicaux de la Fin de Vie" Actes du Colloque national organisé par l'Association Nationale Droits des Patients, Palais du Luxembourg, Paris, 10 mai 2001 (dactyl), 28.
[66] Avant-projet sénatorial de loi sur la bioéthique, art 21 (créant un nouvel article 314-2 dans le Code pénal).
[67] On pourrait pour mesurer l'importance de l'évolution survenue en quelques décennies comparer la législation libérale contre le sida, marquée par la volonté de préserver les droits du patient, et celle qui a trait à la syphilis, durablement dominée par des préoccupations hygiénistes et autoritaires: encore dans la seconde moitié des années 40 (après la découverte de la pénicilline par Flemming) de très nombreux textes établirent un contrôle sanitaire strict qui obligeait les médecins à des déclarations qui respectaient à peine le secret professionnel et il suffisait de simples présomptions pour obliger toute personne à fournir un certificat médical constatant qu'elle n'avait pas pu communiquer de maladie vénérienne (Loi du 24 avril 1946, décret du 25 novembre 1947). Même si ce régime a été assoupli (Ordonnance du 25 novembre 1960), il reste encore des traces de cet autoritarisme initial qui , à la différence du VIH, à cessé d'être mortelle.
[68] CA Lyon, 27 juin 1913, DP 2, 73, note Lalou La doctrine avait déjà condamné le procédé (par ex M Simon Déontologie médicale, op cit, 344).
[69] L'idée transcende le clivage droit privé-droit public. On la retrouve d'ailleurs chez M Hauriou.
[70] G Cornu Droit Civil, Introduction, les Personnes, les Biens (10° éd, Domat-Montchrestien, Paris, 2001) n° 481.
[71] Étienne-Martin Précis de Déontologie et de Médecine Professionnelle (Masson, Paris, 1923) 88 cite deux décisions que je n'ai pas pu me procurer, illustrant l'interdiction d'inoculer un virus quelconque pour l'expérimentation et sous prétexte de traitement "sans le consentement formel du malade" (Lyon, 1859) et celle de pratiquer l'anesthésie, l'exploration électrique ou la radiographie "sans le consentement du malade ou des ayants droit" (tribunal de Narbonne, 28 mai 1903).
[72] La jurisprudence en 1889 et 1890 parle de "l'autorisation dont l'homme de l'art ne peut jamais se passer, sauf en cas d'urgence". Comparer également CA Aix, 22 octobre 1906, D 1907, 2, 41: note Mérignac mettant l'accent sur la nécessité que le malade soit "prévenu du danger" qu'une opération pouvait lui faire courir et donne son consentement à celle-cI.
[73] Cass, 28 janvier 1942, Teyssier, DC 1942, 63: un chirurgien "est tenu, sauf cas de force majeure, d'obtenir le consentement du malade avant de pratiquer une opération dont il apprécie, en pleine indépendance, sous sa responsabilité, l'utilité, la nature et les risques; en violant cette obligation, imposée par le respect de la personne humaine, il commet une atteinte grave aux droits du malade". Comparer G Mémeteau "L'Ethique durch Eisen und Blut" (1993-1994) J Int de Bioéthique 65 (resituant l'arrêt dans son contexte historique); A Fagot-Largeault "Le Consentement Éclairé: Historique du Concept de Consentement", dans Médecine et Droit (1995); 6, 55-56. .
[74] C'est une décision de la Cour d'appel de Douai du 10 juillet 1949 qui analyse également le consentement comme un principe général du droit et le fait reposer explicitement sur "le respect de la dignité humaine": JP Duprat, "La Définition du Statut Juridique du Corps Humain, entre l'énoncé de Principes Fondamentaux et l'Affirmation de Libertés Publiques", dans S Dubourg-Lavroff et JP Duprat Droits et Libertés en Grande-Bretagne et en France (L'Harmattan, Logiques Juridiques, 1999) 243.
[75] Le code de déontologie médicale de 1979 se bornait à dire que la volonté du malade devait "toujours être respectée dans toute la mesure du possible" (art 7). Il a fallu attendre le code de 1995 pour que le consentement reçoive pleine et claire consécration (art 36).
[76] J Katz The Silent World of Doctor and Patient (Free Press, New-York, 1984); B Hoerni et R Saury Le Consentement: Information, Autonomie et Décision en Médecine (Masson, Paris, 1998) 1.
[77] B Hoerni et R Saury Le Consentement: Information, Autonomie et Décision en Médecine (Masson, Paris, 1998) 10.
[78] Quoique l'on puisse toujours trouver des auteurs isolés ayant eu, de bonne heure, des vues personnelles sur le sujet, comme Benjamin Rush (1745-1813), qui a été l'un des élèves de John Gregory (1724-1773) Professeur de médecine à Edimbourg, qui était favorable à l'information du malade (B Hoerni et R Saury Le Consentement: Information, Autonomie et Décision en Médecine, n 77, 10).
[79] 1740-1804.
[80] G Mémeteau Cours de Droit Médical (Les Etudes Hospitalières, Bordeaux, 2001) 261.
[81] Le médecin concerné, Albert Neisser, professeur de vénérologie à l'université de Breslau, est d'ailleurs le découvreur du gonocoque.
[82] B Hoerni et R Saury Le Consentement: Information, Autonomie et Décision en Médecine, n 77, 72.
[83] Berufsordnung für die Deutschen Arzte vom 5 November 1937 Il en existe une traduction française dans l'ouvrage du Dremile Berg, "Code Professionnel des Médecins Allemands du 5 novembre 1937: Sa Comparaison avec le Code de Déontologie Français du 1 avril 1941" (Thèse Médecine, Strasbourg, 1947).
[84] Cass, 28 janvier 1942, Teyssier, DC 1942, 63: un chirurgien "est tenu, sauf cas de force majeure, d'obtenir le consentement du malade avant de pratiquer une opération dont il apprécie, en pleine indépendance, sous sa responsabilité, l'utilité, la nature et les risques; en violant cette obligation, imposée par le respect de la personne humaine, il commet une atteinte grave aux droits du malade". Comparer G Mémeteau "L'Ethique durch Eisen und Blut" (1993-19940 J Int de Bioéthique 65 (resituant l'arrêt dans son contexte historique); A Fagot-Largeault, "Le Consentement Éclairé: Historique du Concept de Consentement", dans Médecine et Droit (1995); 6, 55-56.
Une décision de la Cour d'appel de Douai du 10 juillet 1949 analyse également le consentement comme un principe général du droit et le fait reposer sur "le respect de la dignité humaine": JP Duprat, "La Définition du Statut Juridique du Corps Humain, Entre l'énoncé de Principes Fondamentaux et L'Affirmation de Libertés Publiques", dans S Dubourg-Lavroff et JP Duprat Droits et Libertés en Grande-Bretagne et en France (L'Harmattan, Logiques Juridiques, 1999) 243.
[85] En 1964 c'était encore la thèse du Dr L Portes (premier président de l'Ordre des Médecins): "Je dirai que (le patient) n'est qu'un jouet, à peu près complètement aveugle, très douloureux et essentiellement passif; qu'il n'a qu'une connaissance objective très imparfaite de lui-même; que son affectivité est dominée par l'émotivité ou par la douleur et que sa volonté ne repose sur rien de solide, si ce n'est parfois quand elle aboutit au choix de tel médecin plutôt que de tel autre" (L Portes À la Recherche d'une Éthique Médicale (Masson, Paris, 1964) 159) Il en résulte que "le consentement 'éclairé' du malade, à chaque étape de ce petit drame humain, n'est en fait qu'une notion mythique que nous avons vainement cherché à dégager des faits. Le patient, à aucun moment ne 'connaissant' au sens exact du terme, vraiment sa misère, ne peut vraiment 'consentir' ni à ce qui lui est affirmé, ni à ce qui lui est proposé" (ibid, 170). Dans ces conditions, le refus de soin ne peut exprimer qu'une réaction infondée qui ne mérite pas d'être prise en compte.
[86] Il s'agit d'un texte de dix articles édicté par le tribunal militaire américain de Nuremberg.
[87] "Article 1: Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne intéressée doit jouir de capacité légale totale pour consentir, qu'elle doit être laissée libre de décider sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d'autres formes de contrainte ou de coercition. Il faut aussi qu'elle soit suffisamment renseignée et connaisse toute la portée de l'expérience pratiquée sur elle afin d'être capable de mesurer l'effet de sa décision" (C Ambroselli, G Wormser dir, Du corps Humain à la Dignité de la Personne Humaine: Genèse, Débats et Enjeux des lois d'Éthique Biomédicale (CNDP, Paris, 1999) 14).
[88] Aux États-Unis, comme ailleurs, cette orientation n'a pas toujours été. La notion d'informed consent est inconnue du Code d'éthique médicale de 1847. Elle émerge à partir de l'arrêt du 22 octobre 1957, dans le jugement de l'affaire Salgo en Californie dans laquelle la Cour a jugé qu'"un médecin viole son devoir vis à vis de son patient et devient responsable s'il retient des faits qui sont nécessaires pour fonder un consentement avisé (intelligent) du patient au traitement proposé" (B Hoerni et R Saury Le Consentement: Information, Autonomie et Décision en Médecine, n 77, 11-13.
[89] En droit américain, la jurisprudence valide généralement les clauses exclusives de responsabilité lorsque les patients refusent le traitement médical approprié pour des raisons religieuses (In Re Hugues, (1992) 611 A 2d 1148, 1153, cité par CH Baron "Les Aspects Contractuels de la Relation du Médecin et du Patient en Droit Américain" (22-23 mars 2000) Gaz Pal 551.
[90] L n° 94-653 du 29 juillet 1994; C civ, art 16-3 al 2: "Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir". Des textes spéciaux réitèrent cette exigence dans les domaines les plus sensibles, par exemple les stérilisations à des fins contraceptives des incapables majeurs qui ne peut être faite que s'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes contraceptives ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement (JCP G 2001, 1477).
Voir également: L n°2002-303 du 4 mars 2002, art 9 et 11 (CSP, art L 1111-22 ss).
[91] La modification apportée à ce texte, devenu l'article 16-3 du code civil, par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, portant création de la CMU, a substitué à la notion précise (et restrictive) de "nécessité thérapeutique", celle, plus vague, de "nécessité médicale", intervenue à la demande des médecins. On peut comprendre ceux-ci, car les professionnels de santé ne sauraient borner leur activité à la thérapie. Ils doivent également prévenir le mal ou soulager la souffrance. Hélas la langue française ne dispose pas d'un vocable intégrant le diagnostique, le curatif, le palliatif et le préventif. Hormis l'adjectif "médical" qui se rapporte au médecin et n'a pas de sens ontologique.
[92] JP Gridel "Le Refus de Soins au Risque de la Mort" (19-20 juin 2002) Gaz Pal,8.
[93] Le droit à l'information des usagers et celui d'exprimer leur volonté apparaît à compter de l'article L 1111-2 (L 4 mars 2002, art 11). La nécessité thérapeutique n'apparaît qu'à partir de l'article L 1111-4 lorsqu'il est indiqué que le médecin doit tout mettre en oeuvre pour convaincre le malade d'accepter les soins indispensables.
[94] Cass civ, Dr Nicolas c époux Mercier, 20 mai 1936, D 1936, 96; A Sériaux, Droit des Obligations (PUF, Paris, 1992) 164.
[95] Cass civ, Dr Nicolas c époux Mercier, 20 mai 1936 précité. Depuis cette date, l'idée se retrouve dans le code de déontologie médicale de 1995 (art 32: "... le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ...").
[96] Cass civ 1°, 5 mars 1974, D 1974, in F rap 127, Gaz Pal 1974 1 somm 124; 20 février 1979, JCP G 1979, IV, 145, 1980, in f rap 171 note J Penneau.
[97] CSP, art L 1110-5: "Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances avérées".
[98] La juridiction administrative a abandonné l'exigence d'une faute lourde en droit hospitalier, avec les arrêts Gomez et Bianchi (CAA Lyon, 21 décembre 1990, Gomez, sur la responsabilité sans faute de l'hôpital au titre de l'utilisation d'une "thérapeutique nouvelle" aux conséquences encore mal connues ayant entraîné chez le patient, âgé de quinze ans, une paraplégie définitive alors que l'intervention n'était pas indispensable; CE, Ass, 9 avril 1993, Bianchi, Rec, 127 sur la responsabilité sans faute de l'hôpital dès lors que les (deux) conditions d'extrême gravité du préjudice et de caractère exceptionnel du risque se trouvent réunies). Même si l'avancée théorique doit être tempérée par le fait que près de dix ans plus tard, la jurisprudenche Bianchi n'avait été appliquée par les Cours d'appel administratives qu'à quatre reprises et pour des dommages extrêmement graves" (J Guigue, "Aléa Thérapeutique: le Droit Privé Peut-il s'Aligner sur la Jurisprudence du Conseil d'État?" (22-23 mars 2000) Gaz Pal 523).
[99] D'ailleurs on remarquera que la loi Kouchner n'utilise pas l'expression d'aléa thérapeutique. Il ne s'agit pas d'une lacune involontaire, car la généralité du concept aurait considérablement élargi le droit à indemnisation. Notamment au risque sériel, dont l'hépatite C est un exemple d'autant plus significatif que la loi du 4 mars 2002 écarte délibérément les personnes contaminées lors d'une transfusion ou d'une injection de produits sanguins, avant son entrée en vigueur.
[100] La loi Kouchner dispose que lorsque la responsabilité du professionnel n'est pas engagée "un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci" (CSP, art L 1142-1, II/ L n°2002-303 du 4 mars 2002, art 98).
[101] Ibid.
[102] Débats du 2 octobre 2001, JOAN, n° 53, 3 octobre 2001, 5321-5322.
[103] L Dubouis La Réparation des Conséquences des Risques Sanitaires 38 (oct/déc 2002) RDSS 803.
[104] J Penneau La Responsabilité du Médecin, op cit, 31.
[105] Cass civ 1°, 7 février 1990, Bull I, n° 39: le défaut d'information par le médecin de la personne soignée prive celle-ci d'une chance. Désormais le médecin qui n'aurait pas recueilli valablement le consentement de la personne qu'il a soigné s'expose à réparer – non l'entier dommage corporel subi par ce dernier – mais "la perte de chance de refuser l'acte médical" (S Porchy-Simon Santé: Responsabilité Médicale Responsabilité pour Faute d'Éthique Médicale Consentement Libre et Éclairé du Patient: Secret Médical éd du Juris-Classeur Responsabilité civile et Assurances, fasc. 440-30 (11, 2002), 17). Mais si le malade aurait accepté l'intervention même s'il avait été complètement informé, ce raisonnement devient inapplicable (Cass civ 1°, 20 juin 2000, Gaz Pal, Rec 2001, somm 584, note F Chabas).
[106] G Mémeteau Cours de Droit Médical op cit, 275.
[107] CP, art 378: "Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires par état ou profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de 100 à 500 fr". Avec cette disposition, pour la première fois en France, une loi consacrait le secret médical et réprimait sa violation.
[108] P Brouardel Le Secret Médical 1887.
[109] JM Auby (éd princeps par) "Droit Médical et Hospitalier", op cit; D Thouvenin Le Secret Médical Déontologie fasc 10 (7, 1998), 3.
[110] E Garçon Code Pénal Annoté (Larose, Paris, 1911) art 378: "le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur. Mais, ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient entourées d'un secret inviolable. Il importe donc à l'ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve car personne n'oserait plus s'adresser à eux si l'on pouvait craindre la divulgation du secret confié".
[111] L Portes A la Recherche d'une Éthique Médicale op cit, 131 ss.
[112] Cass crim, 8 mai 1947, D 1948, 109, note Gulphe; S 1947, 1, 106; Bull crim n° 124.
[113] "Le secret professionnel lie le médecin de manière absolue; il n'appartient pas au client de l'en délier". Le code de de 1941 comportait seize autres articles consacrés au secret médical Les codes de déontologie français de 1947, 1955, 1979 (art 11) et 1995 (art 4) sont moins prolixes sur le thème, mais tous consacrent un article pour enjoindre aux médecins de respecter le secret médical.
[114] A un mot près (malades à l'article 11 du Code de 1979, patients en 1995) les deux derniers codes consacrent une règle similaire: "le secret professionnel, institué dans l'intérêt des (malades) (patients), s'impose à tout médecin, dans les conditions établies par la loi".
[115] Cass crim., 8 mai 1947, D 1948, 109, note Gulphe; S 1947, I, 106; Bull crim. n° 124; Cass crim, 22 décembre 1966, D 1967, 122, rapport Combaldieu; Cass crim., 27 juin 1967, D 1967, somm 115; Cass crim, 5 juin 1985, Dalloz, 1986, IR120, note Pradel.
[116] Sect discipl nat, 23 janvier 1991, Bull Ordre, déc 1992, 171.
[117] "Pour des raisons légitimes que le médecin apprécie en conscience, un malade peut être laissé dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec la plus grande circonspection, mais la famille doit généralement en être prévenue, à moins que le malade n'ait préalablement interdit cette révélation, ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite".
[118] Voir par ex B Beignier Secret médical et assurance des personnes (Dalloz, 1999) chr 469.
[119] CE, 11 février 1972, Rec, 138: "c'est du malade seul que dépend le sort des secrets qu'il a confiés à un médecin" (Voir également JP Alméras, H Péquignot "Déontologie Médicale, Devoirs Généraux des Médecins" dans JM Auby (éd princeps par) Droit Médical et Hospitalier fasc 42 (7, 1998) 3.
[120] Cass soc. 1° mars 1972, Bull civ, V, 162; Gaz Pal 1973, 1, 22, note PJ Doll: "L'obligation de respecter le secret médical est édictée en la matière dans l'intérêt du malade et elle ne saurait être opposée à celui-ci quand la détermination de ses droits dépend des renseignement recherchés".
[121] CJCE, 5 octobre 1994.
[122] CEDH, 27 août 1997, D 2000, jurispr 521, note I Laurent-Merle.
[123] CDM 1995, art 35, al 1: "le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension".
[124] CDM 1995, art 35, al 2: "toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le patient apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination", précision apportée en raison du VIH.
Cet article (où il était encore question du "malade") représentait une solution de compromis, qui ménageait le pouvoir unilatéral d'appréciation du médecin.
[125] CA Paris, 13 mars 1996, Gaz Pal, 22-23 mars 1996, concl Girardin; CA Paris, 27 mai 1997, Dalloz, 1998, somm. 85, obs. Massip, retenant la violation du secret professionnel et de la vie privée, confirmé par Cass civ 1°, 14 décembre 1999, Jris-Data n° 1999-004433; CE, 29 décembre 2000, Juris-Data n° 2000-061868, Petites Affiches 21 juin 2001, note D de la Burgade, rejettant le pourvoi contre la décision du CN OM ayant radié le requérant du tableau de l'ordre.
[126] CSP, art L 1110-4 alinéa 1 / L n° 2002-303 du 4 mars 2002, art 3.
[127] B Mathieu “Les Droits des Personnes Malades", Petites Affiches, 19 juin 2002, n° 122, 13.
[128] G Mémeteau Cours de Droit Médical, op cit, p 220.
[129] Pour plus de détails cf A Leca, "Les Droits des Personnes Soignées en Fin de Vie" RRJ 2003 et surtout l'ouvrage de référence: B Legros "Les 'Droits' des Malades en Fin de Vie" Thèse Droit, Lille II, 1997, éd Les Etudes Hospitalières, Bordeaux, 1999 (bien que celle-ci estime qu'en l'état actuel du droit, il n'existe pas dans ce domaine de droits subjectifs).
[130] Conseil de l'Europe, Assemblée parlementaire, Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, Rapport sur le développement des soins et de l'assistance aux malades incurables et aux mourants dans le respect de leur volonté et de leurs droits, § 53; C Girault Le Droit à l'Épreuve des Pratiques Euthanasiques (PUAM, Collection de droit de la santé, Aix-en-Provence, 2002) 462.
[131] A Leca "Les Droits des Personnes Soignées en Fin de Vie" RRJ 2003-4.
[132] Le code de la santé prévoit que les établissements de santé dispensent aux patients les soins préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état (CSP, anc art 711-4). Sur l'organisation des soins palliatifs, cf Lamy Droit de la Santé, t 2, n°341 Soins palliatifs par H Gaumont-Prat (octobre 2002).
[133] JO 10 juin, 8457.
[134] Lamy Droit de la Santé, t 2, n°341 Soins palliatifs par H Gaumont-Prat (octobre 2002), qui se fonde sur l'art L 1110-9: CSP: "Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement".
[135] CDM, art 37.
[136] Avis n° 63 Fin de Vie du Comité Consultatif National d'Ethique Français du 27 janvier 2000 (admettant "l'exception d'euthanasie").
[137] D Manaï.
[138] Le Dignity Act du 27 octobre 1997 "sur la mort dans la dignité" autorise un médecin qui suit un malade en stade terminal à lui prescrire un médicament à doses létales qu'il pourra s'administrer lui-même à condition que l'espérance de vie du malade, confirmée par voie d'expert, soit de moins de six mois, que le malade l'ait demandé deux fois oralement et une fois par écrit dans une période de quinze jours et qu'une consultation en psychiatrie ait été demandée pour vérifier le bon état mental du malade.
[139] Les seuls procédés admis par le Code général des collectivités territoriales sont l'inhumation ou la crémation. Il en résulte que ni la cryogénisation, ni la momification ne sont juridiquement admissibles.
[140] CE, 23 février 1949, Faveret, Rec, 88 (admettant d'inclure les tarifs médicaux dans la législation sur les prix, prévue pour la vente des biens et services); Trib corr Nanterre, 26 octobre 1978 (qui concède cependant qu'il puisse "paraître surprenant voire même choquant que les dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 puissent être applicables aux membres des professions médicales ou paramédicales qui, dans un cadre d'exercice libéral et à la différence des prestations de nature commerciale et matérielle, dispensent essentiellement leur science et leur art de soigner").
[141] B Pitcho "Le Statut Juridique du Patient", op cit 206 qui observe que l'article L 113-2 du Code de la consommation oblige tous les prestataires de service à procéder à un affichage clair des prix.
[142] CE, 11 janvier 1991, Mme Biancalle: l'hôpital peut être sanctionné en cas de défaut d'information sur le coût des prestations dès lors que celles-ci ne sont pas prises en charge par le régime de Sécurité sociale du patient.
[143] CSP, art L 1111-4, al 3 (L n° 2002-303 du 4 mars 2002, art 11).
[144] CE, 17 février 1988. Depuis cette date, les hôpitaux ont mis l'accent sur l'information des patients (cf Charte du patient hospitalisé, en annexe à la circulaire ministérielle du 6 mai 1995, partie 3).
[145] Certains tribunaux avaient jugé de bonne heure que l'information devait porter sur tous les risques, même de réalisation rare (par ex Trib civ Seine, 16 mars 1935, D 1936.II9, note Desbois. Mais la Cour de cassation ne les a pas suivi avant 1997.
[146] CDM, art 35, al 1: "le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose".
Les Recommandations destinées aux médecins diffusées en mars 2000 par l'AN AES précisent également le contenu de l'obligation de conseil (JM Auby (éd. princeps par), "Droit Médical et Hospitalier", fasc 9 (11, 2001), P Sargos "L'Information du Patient et le Consentement aux Soins" 10).
[147] CSP art L1111- 2, al 1°: "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé".
[148] Cass civ 1°, 9 octobre 2001, n° 0014564, Bull civ I, n° 249; D 2001.3470, rapp P Sargos, note D Thouvenin; RTDC 2002.176, obs. R Libchaber.
[149] Déc n° 94-943 et 94-944 du 27 juillet 1994, JO 29 juillet, 11024 voyant dans la sauvegarde de la dignité de la personne un "principe à valeur constitutionnelle".
[150] Cass civ 1°, 9 octobre 2001, n° 0014564, D 2001.3470, rapp P Sargos et note D Thouvenin, Gaz Pal, Rec 2001-5, sept - oct 2001, 1703.
[151] L n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, art 2, C Consom, art L 111-1: "tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit avant la conclusion du contrat mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service".
[152] CDM, art 35. Cass civ 1°, 23 mai 2000, Bull civ I, n° 159; JCP 2000.II10342, rapp P Sargos concernant un patient atteint de troubles psychiatriques auquel son médecin n'avait pas révélé le pronostic pessimiste attaché à ces troubles); Cass civ 1°, 9 octobre 2001, Franck X c/ M et Y et autres, Gaz Pal, Rec 2001-5, sept oct 2001, 1703).
Par ailleurs les risques dont le patient doit être averti sont seulement ceux qui étaient connus à la date des soins ou des investigations (Cass civ 1°, 7 juillet 1998, Juris-Data n° 1998-003296).
[153] Cass civ 1°, 14 octobre 1997, JCP 1997.II22942; Cass civ 1°, 7 octobre 1998, Bull civ, I, n° 291, JCP 1998 n°43, act.,1843; D1999, J 145, Resp civ et assur 1998, comm. 93: "Hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés, et il n'est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement" (voir aussi dans le même sens: CA Bordeaux, 14 décembre 1998: Juris-Data n° 1998-049628).
Cet élargissement a été transposé à la pratique hospitalière par le juge administratif (CE, Sect, 5 janvier 2000, 2 arrêts, req n° 198530, Assistance publique - Hôpitaux de Paris et req n°181899, Cts Telle, JCP 2000.I243, note G Viney, D2000, IR, 28).
La loi du 4 mars 2002 a obscurci la donne, car, de prime abord, elle se situe est en deça de la jurisprudence dégagée en 1998-2000, lorsqu'elle dispose seulement que l'obligation d'information doit porter sur "les risques fréquents ou graves normalement prévisibles" (CSP, art L 1111-2). Mais on peut imaginer que les juges judiciaire et administratif continueront à intégrer les risques exceptionnels, "la référence au risque prévisible ne devant pas être comprise comme un retour au droit antérieur, mais comme un mode d'appréciation de la prévisibilité du risque" (S Porchy-Simon Santé: Responsabilité Médicale Responsabilité pour Faute d'Éthique Médicale Consentement Libre et Éclairé du Patient: Secret Médical, éd du Juris-Classeur Responsabilité civile et Assurances, fasc 440-30 (11, 2002), 5.). En d'autres termes, la loi se bornerait à exiger que le risque soit connu du médecin, suivant sur ce point encore la jurisprudence civile.
[154] CSP, art L 1111-3.
[155] Arrêté du 17 octobre 1996, JO 29 octobre.
[156] Cass civ 1°, 17 novembre 1969, Bull n° 347; Cass civ, 22 septembre 1981, Bull civ I, n°268, DS 1982, in F rap p 274, obs J Penneau.
[157] CSP, art L 6322-2.
[158] A Mole et D Dauba "Informatique et Libertés: de Nouveaux Droits pour les Malades" (23-24 octobre 2002) Gaz Pal.
[159] L 6 janvier 1978 dite "Informatique et libertés", art 40 (instituant un système spécifique au droit médical par dérogation au principe général de l'accès direct prévu à l'article 34).
[160] Voir par ex CA Aix, 22 octobre 1906, D 1907, 2, 41, note Mérignac; CA Lyon, 6 janvier 1937, DH 1938 Somm 11; CA Angers, 4 mai 1947, D 1948 298, note R Savatier.
[161] Cass civ, 29 mai 1951, Bull civ, n° 162; D 1952, jur p 53, note R Savatier; JCP 1951, II, n° 6421, note R Perrot; S 1953, I, jur 41, note R Nerson; RTDC 1951, p 508, obs H et L Mazeaud).
[162] C civ, art 1315 al 1: "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver".
[163] Cass civ 1°, 25 février 1997, (premier arrêt) Hédreul, Bull civ, I, n° 75, D 1997, somm 319; RDSS, 1997, 288; Petites affiches, 16 juillet 1997, 17; RTDC 1997, 434. La règle a été reprise ensuite par le législateur (CSP, art L 1111-4 al 7, L n° 2002-303 du 4 mars 2002, art 11).
[164] C civ, art 1385-2: "Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation".
[165] L Dubouis, "La Preuve de l'Information du Patient Incombe au Médecin: Progrès ou Régression de la Condition des Patients?" (avril-juin 1997) RDSS, 292 et G Mémeteau Cours de droit médical, op cit, 274 qui écrit que l'obligation faite au médecin de prouver qu'il a informé "a un parfum de droit de la consommation".
[166] JL Cariage L'Exercice de la Médecine en France (Hachette, Paris, 1965) 34-35 cite une étonnante pièce d'archives de 1477: "Pierre de Narbonne, chirurgien et oculiste à Avignon, s'engage à guérir Guillemette Auvray de sa fistule lacrymale. La cure devra être effectuée en six mois pour le prix de trois écus. S'il échoue, le chirurgien ne touchera pas d'honoraires. En cas de récidive, il sera tenu, sans augmentation de prix, de continuer ses soins à la malade".
[167] CA Paris, 21 novembre 1986, D 1987 Somm 421, obs J Penneau.
[168] Cass civ, 1°, 29 juin 1977, Bull civ I, n° 303; JCP G 1979, II, 1, 9222, note F Chabas; Cass 1° civ, 3 avril 1979, Bull civ, I, n° 107, DS 1980, in F rap, 170, obs; J Penneau.
[169] Cass civ 1°, 15 novembre 1972, Bull civ I, n° 241, DS 1973, 243, RTDC 1974, 160, obs G Durry; CA Paris, 17 janvier 1982, Gaz pal 1983, somm 286). Les juges estiment que la prothèse fabriquée doit être "sans défaut" (Cass civ 1°, 29 octobre 1985, Bismuth, D1986 417; 12 juin 1990, Bull civ, I, n° 162). C'était la première fois que la cour de cassation introduisait une obligation de résultat dans le domaine médical. Cette jurisprudence a été ensuite confirmée: (Cass civ 1°, 15 novembre 1988, Bull civ I, n° 319; 12 juin 1990, Bull civ I, n° 162) et même renforcée (Cass civ 1°, 22 novembre 1994, Bull civ I, n° 340) puisque "un chirurgien dentiste orthodontiste est tenu d'une obligation de résultat concernant la sécurité tenant tant à la conception de l'appareil qu'à ses conditions d'utilisation et qu'il a l'obligation de donner des informations sur le caractère dangereux de l'appareil, même si celui-ci est sans défaut et si le caractère dangereux ne peut résulter d'un usage normal".
[170] TGI Pontoise, 28 novembre 1986.
[171] CSP, anc art L 668-10.
[172] C de la consommation, art L 221-1.
[173] CSP, art L 3111-9.
[174] C civil, art 1386-1 (issu de la loi n 98-389 du 19 mai 1998).
[175] Le formulaire conçu par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à l'intention des personnes souhaitant saisir les Commissions régionales au titre de la conciliation contient une rubrique "Vous n'êtes pas satisfait des soins qui vous ont été donnés" (2).
[176] Au point que JP Gridel a pu écrire que "l'euthanasie passive – ou orthothanasie, celle qui se limite à l'abstention ou cessation de l'activité thérapeutique - nous parait donc légalisée (ibid, 7).
[177] JP Gridel "Le Refus de Soins au Risque de la Mort" (19-20 juin 2002) Gaz Pal, 3 ss.
[178] Ainsi est-il entendu que le malade doit être informé et donner un consentement éclairé. Si ces conditions font défaut, le refus de soin, trop facilement admis, expose le médecin à des poursuites pénales et disciplinaires (CE, 29 juillet 1994, Garnier, JCP 1994, IV, 1361, RDSS, 1997, 57, obs. L Dubouis et I Lucas-Gallay Le Domaine du Droit au Refus de Soins: une Peau de Chagrin (LPA, 1997, n° 6) 6. Le Conseil a estimé que le traitement à base d'acupuncture et d'homéopathie prescrite à une malade consentante, atteinte d'un cancer (et ne voulant pas se soigner, avait fait perdre à celle-ci une chance de survie.
[179] Cass civ 2°, 19 mars 1997, Bull civ II, n° 86; JCP 1997 IV1006, RTDC 1997, p 674, obs P Jourdain, dans lequel la haute instance a jugé que "nul ne peut être contraint, hors les cas prévus par la loi, de subir une intervention chirurgicale".
[180] En droit hospitalier, le patient peut refuser les soins dans une attestation écrite, ce qui implique qu'il quitte alors l'établissement, lequel est alors déchargé de toute responsabilité (D n° 74-27 du 14 janvier 1974, art 7, 42, 60; Charte relative aux droits des patients hospitalisés: "Le patient peut, à tout moment, quitter l'établissement sauf exceptions prévues par la loi, après avoir été informé des risques éventuels qu'il court").
[181] On a d'abord douté de la nécessité médicale d'un changement de sexe. Aujourd'hui, on reconnaît le syndrome de transsexualisme et on estime que la personne visée est un malade et que l'opération a donc une justification thérapeutique (Cass ass plén, 11 décembre 1992, 2 espèces JCP 1993, II, 21991, conc; Jéol, note G Mémeteau; Gaz Pal 1993, 1, 180, concl Jéol; DéF 1993, 431, note J Massip; RTDC 1993, 97, obs J Hauser). Encore faut-il que la pathologie soit identifiée avec une certitude suffisante: si celle-ci est absente, les médecins peuvent faire l'objet de poursuites pénales pour coups et blessures volontaires (CA Aix, 23 avril 1990, D 1990, somm 360, obs J Penneau, JCP 1990, II, 21720).
[182] Initialement de telles opérations n'étaient pas acceptées (Cass crim, 1° juillet 1937, DH 1937, 537; S 1938, 1, 193, note Tortat; Gaz Pal 1937, 2, 358). Mais aujourd'hui les stérilisations volontaires pour motif sérieux avec le consentement de l'intéressé et en recherchant celui de son conjoint par une méthode laissant la possibilité d'une intervention réparatrice sont possibles (J Penneau, La Responsabilité du Médecin (2°éd, Dalloz, 1996) 89-90), quoique, dans ce domaine il ne faille pas négliger l'incidence du droit disciplinaire (CDM, art 41). Par ailleurs, depuis la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, la stérilisation contraceptive des personnes atteintes de troubles mentaux est elle-même admise avec le consentement du juge des tutelles et après audition de la personne concernée "lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilitée avérée de les mettre en œuvre efficacement" (CSP, art L 2123-2).
[183] Car le dispositif actuel est encore très insuffisant, comparer A Leca, "L'indemnisation de l'Aléa Thérapeutique dans le Système mis en Place par la loi du 4 mars 2002 et ses Premiers Décrets d'Application: de la mise en oeuvre de la Responsabilité Civile au Droit à Indemnisation?" RRJ, Aix, 2002-3, 1289-1304 et "L'Indemnisation du Risque Médical au Titre de la Solidarité Nationale" dans les Cahiers de Droit de la Santé (n°1: Le Risque Médical, Aix-en-Provence, 2003).
[184] L'article 1° de la loi (dit article "anti-Perruche"), incroyablement mal rédigé, dans la mesure où il n'explicite ni "le fait de naissance" ni la "faute caractérisée", est très révélateur de l'ambiguïté de la démarche du législateur. Il est stupéfiant que la première disposition de ce texte sur les droits des malades, qui s'insère dans un titre 1° "Solidarité à l'égard des personnes handicapées", commence par priver des personnes gravement handicapées de l'indemnisation qui leur était désormais reconnue par la jurisprudence, sur des bases juridiques, il est vrai, critiquables et critiquées -car il n'était pas équitable de faire peser sur les médecins sa charge financière.
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